Célébrer la liturgie des heures en paroisse

Depuis plus de vingt ans, s’est fait sentir le manque de prêtres pour assurer l’eucharistie dominicale. Une manière d’assurer tout de même le rassemblement dominical fut de proposer des liturgies appelées “Assemblée Dominicale en l’absence du Prêtre” (ADAP). Cette pratique s’appuyait sur un document romain du 2 juin 1988 : le Directoire pour les assemblées dominicales en l’absence du prêtre.

Il semble qu’aujourd’hui, l’épiscopat recommande de moins en moins cette pratique au profit de la célébration de la Liturgie des Heures en paroisse. Jusqu’à Vatican II, la prière des Heures était l’apanage des clercs, des moines et des moniales ainsi que des ordres religieux. Depuis le Concile, on a redécouvert que la Liturgie des Heures était une véritable prière quotidienne, la prière de l’Église, également pour les laïcs. Cette prière a une dimension universelle puisqu’elle est celle célébrée par l’Église universelle.

Il conviendrait donc que les chrétiens qui se rassemblent le dimanche, mais qui ne peuvent participer à l’eucharistie puissent célébrer un office de la Liturgie des Heures, par exemple celui de Laudes puisque celles-ci se célèbrent le matin, ou du moins, un office inspiré de la Liturgie des Heures.

De quoi se compose un office de la Liturgie des Heures ?

La base de la Liturgie des Heures est la psalmodie. Par exemple, les offices de Laudes et de Vêpres contiennent trois psaumes. Ceux-ci sont précédés par une “Ouverture” et une hymne. Après le chant des psaumes vient l’écoute d’une Parole biblique assez brève (le Capitule). Celle-ci est suivie d’un répons. Vient ensuite le chant d’un Cantique évangélique, le Cantique de Zacharie (NT 2), le matin, et le Cantique de Marie (NT 1), le soir. L’Heure s’achève par une série d’intercessions, la prière du Notre Père, une oraison et la bénédiction.

Comment mettre un tel office en œuvre ?

Les communautés qui habituellement célèbrent la Liturgie des Heures disposent des éléments pour chanter les offices. Il existe un hymnaire (recueil d’hymnes), des antiennes mélodiques avec leur ton pour le chant des psaumes et des Cantiques de l’Ancien et du Nouveau Testament, des recueils de répons. Chanter l’Office de J. Gelineau est l’ouvrage qui, actuellement, reprend tous les éléments nécessaires pour chanter Prière du Temps présent. Viennent d’ailleurs de paraître les trois volumes des accompagnements de ce livre aux éditions ADF (Ateliers du Fresne).

Comment pratiquer la Liturgie des Heures en paroisse

On se rend bien compte qu’il n’est pas facile de mettre en œuvre en paroisse un office de Laudes ou de Vêpres. Souvent par méconnaissance de la pratique de ceux-ci. Où trouver l’hymne ? Les psalmodies adéquates ? Des répons qu’une assemblée paroissiale peut reprendre aisément ? Dans Chanter l’Office me direz-vous ! Mais la visée de cet ouvrage est moins la paroisse que des Communautés de religieux ou de religieuses. Donc, on peut s’en inspirer,mais pas nécessairement l’utiliser comme tel.

Quels sont les outils dont on dispose ?

Déjà dans la septième partie du Missel Noté de l’Assemblée (MNA), on trouvait tous les éléments nécessaires pour pratiquer un office de la Liturgie des Heures en paroisse. De plus, cette Prière des heures était largement présentée. Pour les psaumes et la plupart des hymnes, on se reportait aux autres parties de l’ouvrage.

On peut aussi trouver tous les éléments dans Chants Notés de l’Assemblée (CNA). Mais dans ce recueil, il n’y a pas de présentation de l’Office. Il faut donc connaître la structure des offices pour choisir les chants dans ce manuel. On trouve les psaumes dans la première partie de l’ouvrage comme c’était déjà le cas dans le MNA.

En 2007, les Éditions Magnificat publiaient un manuel, Chrétiens en prière, qui avait été réalisé, tout comme le CNA, à la demande des évêques de la francophonie, c’est-à-dire le Canada, la Belgique, la France, le Luxembourg et la Suisse. Ceux-ci le présentent ainsi :

Le livre qu’ouvre présentement le lecteur n’est pas à proprement parler un livre liturgique, mais un manuel pratique. Il voudrait faciliter l’élaboration de temps de prière pour des communautés diverses, aux possibilités variables. Il est ainsi un ouvrage d’initiation à la liturgie des Heures dans ses composantes essentielles (hymnes de style divers, psaumes, parole de Dieu, oraisons).

Cet ouvrage se présente donc comme une “base de données” qui peut servir à une célébration paroissiale le dimanche quand il n’y a pas de messe (Préface). Tous les éléments sont classés par rubriques ; il n’y a pas d’office entièrement composé. À chaque chantre de faire la sélection qui convient en fonction de l’Heure à célébrer. Les exemples de célébrations figurent dans les cinq CD-audio qui accompagnement cette publication. Le livre propose aussi des présentations de chaque partie qui compose la Liturgie des Heures ainsi qu’une Introduction générale à cette Prière de l’Église.

Comment associer Liturgie des Heures et Liturgie de la Parole du dimanche ?

Pour les paroissiens qui n’ont pas l’occasion de participer à une eucharistie dominicale, y a-t-il possibilité d’élaborer une célébration inspirée de la Liturgie des Heures qui reprendrait l’ensemble des lectures du dimanche ?

Un Guide liturgique pour les assemblées dominicales en l’absence du prêtre édité par la CIPL en 1988 posait déjà d’une certaine manière la question en proposant un schéma de célébration intitulé Liturgie psalmique.

Nous l’appelons liturgie psalmique parce que les psaumes y occupent une place importante, mais elle comporte aussi la proclamation de la Parole et la prière de louange et de supplication. Elle peut-être une forme excellente de rassemblement dominical. Il convient de la recommander. Selon qu’elle est célébrée le matin (“laudes”) ou le soir (“vêpres”), elle prend une coloration différente.

Voici le schéma proposé :

L’ouverture de la célébration

Invitatoire (versets ou psaume ou, le soir, lucernaire)
Hymne
Bénédiction / Monition / (Baiser de paix) / Prière d’ouverture

La Psalmodie

C’est ici que vient le chant des psaumes. On en prendra un, deux ou trois en fonction du moment de la journée et en relation avec le mystère du dimanche. On veillera à varier les mises en œuvre. Celles-ci peuvent aller d’une forme parlée à la cantillation par un soliste, en passant par les formes traditionnelles d’alternance par verset ou par strophe. On peut aussi utiliser une forme de responsorialité brève, comme pour le psaume 135, qui possède son propre refrain bref : « Car éternel est son amour ». C’est aussi la forme adoptée par le psaume 112 de Lucien Deiss (Z 112-2). Ici le refrain bref est simplement alléluia.

La proclamation de la Parole

On peut donc prendre ici les trois lectures prévues par le lectionnaire avec le psaume. On pourrait ne lire qu’une ou deux lectures. S’il n’y en a qu’une, ce sera l’Évangile. Il sera précédé de l’alléluia sans procession. Le lecteur dira sobrement : « De l’Évangile de Jésus Christ selon saint N. »

Les lectures seront suivies d’une homélie ou d’une autre manière d’intérioriser la Parole. Un Chant de la Parole serait ici le bienvenu : il jouerait le rôle du répons de l’Office. On ne récite pas le Credo.

Si on ne chante pas le Cantique évangélique (Benedictus, le matin ; Magnificat, le soir), alors on passe à la prière universelle. Celle-ci peut connaître différentes formes ! Si on choisit le Cantique évangélique comme “prière d’action de grâce”, alors la prière universelle vient à la suite, comme dans la Liturgie des Heures. Cette prière s’achève par le Notre Père. Le Cantique évangélique peut être introduit par une des antiennes qui l’accompagnent dans la Liturgie des Heures du dimanche, soit chantée, soit lue. Il existe aussi bien des manières de chanter ces cantiques évangéliques ; de la simple cantillation à la manière d’un psaume, à des formes beaucoup plus musicalisées, surtout pour le Magnificat.

L’Action de grâce et le Notre Père

Si on ne chante pas le Cantique évangélique, la prière universelle est suivie d’une prière d’action de grâce et du Notre Père. Cette prière d’action de grâce ne doit absolument pas faire songer à la prière eucharistique ! Il y a bien des formes pour réaliser cette “prière d’action de grâce”. Celle-ci peut être introduite par un invitatoire. Si cette prière est chantée, alors, pour ne pas multiplier les chants à cet endroit, on ne chantera pas de Chant de la Parole.

Conclusion de la célébration

La liturgie se conclut par les annonces s’il y en a, éventuellement la quête et par la prière de conclusion. On peut prendre l’oraison prévue par la Liturgie des Heures – non celle du missel, qui, elle, est orientée vers la conclusion de la célébration eucharistique – ou en rédiger une appropriée. La célébration s’achève par le rite de l’envoi : « Frères et sœurs, que notre Dieu nous accompagne, qu’il nous bénisse et qu’il nous garde, lui qui est Père, Fils et Saint-Esprit ! – Amen. Allons dans la paix du Christ – Nous rendons grâce à Dieu. »

“Puiser à la source”

Tout récemment, Magnificat et le diocèse de Strasbourg ont publié un recueil intitulé Puiser à la source et destiné à Célébrer la parole de Dieu en communauté. Dans la deuxième partie de l’ouvrage, figure un chapitre intitulé : Célébrer les veilles des fêtes. C’est là que nous trouvons pas mal d’éléments que vont dans le sens que nous avons suggéré ci-dessus. L’office de la Liturgie des Heures dont s’inspire le schéma de cette célébration est celui de Vigiles. Le dimanche et les jours de fête, cette heure se compose de trois “nocturnes”. C’est dans cette forme que sont insérées les trois lectures du dimanche.

Après une Ouverture, le chant de l’Hymne et une oraison, vient une monition qui introduit à la Liturgie de la Parole. Celle-ci se divise donc en trois parties construites chacune selon un plan identique : lecture – répons chanté – silence oraison. Après la lecture de l’Ancien Testament, on répond par le psaume du dimanche ; après la lecture de l’Épître vient un Cantique du Nouveau Testament choisi en fonction du temps liturgique ; après l’Évangile vient le chant du Te Deum cantillé par les deux parties de l’assemblée. La troisième oraison est suivie par la prière du Notre Père. La célébration s’achève par les rites de conclusion qui comprennent une prière de louange, alternance d’intentions lues et d’un refrain parlé ou chanté par l’assemblée, une oraison, celle d’ouverture du dimanche ou de la fête du jour, d’une bénédiction en fonction du temps liturgique, qui peut être dite par tous, et d’une antienne mariale. Cette célébration est commentée par de nombreuses rubriques.

Place à la créativité !

Tout ceci nous montre qu’il y a encore place dans ces célébrations pour la créativité, mais une créativité “contrôlée”, une sorte de “variation” sur des schémas existants. Aux liturgistes de faire preuve d’imagination, mais aussi d’intelligence de la liturgie, pour permettre aux assemblées dominicales qui ne peuvent recevoir l’eucharistie de connaître des célébrations qui s’inspirent de la Liturgie des Heures, donc basées sur la psalmodie, l’hymne et le répons, les intercessions…, et qui intègrent la liturgie de la Parole du dimanche ou de la fête.

Philippe ROBERT

Ci-dessous, le fichier PDF propose deux schémas pour une célébration dominicale sans prêtre dont un inspiré de la liturgie des heures.

---

---