Homélie pour le premier dimanche de Carême
Homélie du dimanche 17 février (extrait de "Feu Nouveau" 56/2)
L’évangile de ce jour nous dévoile le climat dans lequel se trouve Jésus après son baptême. On parle de combat, de lutte, d’épreuve. Disons de suite qu’il s’agit pour Jésus d’une mise à l’épreuve qui durera toute sa vie, jusqu’aux derniers instants de sa vie terrestre. C’est à une lutte quotidienne qu’il va être confronté, lutte contre les autorités religieuses, contre ses disciples, contre les siens qui voudront le ramener à la raison, contre les foules qui voudront se l’accaparer et faire de lui un roi à leur taille humaine.
Chaque jour il devra s’ajuster, se ré-ajuster à la volonté de son Père, sans se laisser entraîner sur les chemins de la puissance, de la séduction, de la domination. Ces premiers versets de l’évangile de Luc ne sont pas à lire comme un épisode qui se terminerait aux termes de quarante jours dans le désert. Ils annoncent une situation qui va durer, une mise à l’épreuve permanente pour Celui qui quitte les bords du Jourdain, rempli de l’Esprit Saint.
Jésus entre dans une ère de combat, de lutte. Il nous faut prendre au sérieux cet engagement de Jésus. A aucun moment il ne fera semblant. Il est totalement investi dans son humanité, il a revêtu notre condition humaine et s’est fait en tout semblable à nous à l’exception du péché.
Luc situe la troisième tentation à Jérusalem, et plus précisément au sommet du Temple. Du haut du Temple, on domine toute la ville de Jérusalem. C’est pour l’évangéliste un lieu tout à fait symbolique : Jérusalem, lieu du dernier combat de Jésus, lieu vers lequel il se met en route avec ses disciples, en toute liberté, le Temple lieu de la présence de Dieu à son peuple … Le diable propose donc à Jésus de se jeter en bas et de faire ainsi la démonstration de sa puissance. La réponse de Jésus est de nouveau une citation de l’Écriture : « Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu ». Jésus refuse de se mettre au-dessus, de profiter d’une situation de domination pour satisfaire celui qui est par excellence le diviseur. Pour la troisième fois, il refuse de se mettre sous la domination du diable, de celui qui n’a d’autre ambition que diviser et de monter les hommes les uns contre les autres.
Allons plus loin ! Un autre épisode qui se déroulera aussi à Jérusalem peut nous éclairer ; le lavement des pieds au soir du jeudi saint. Jésus quitte ses vêtements, se met à genoux devant ses disciples et lave les pieds de chacun. Il se fait serviteur, il prend la position de l’esclave, il se rend vulnérable. Il se met à la hauteur des disciples et il peut les regarder les yeux dans les yeux, sans condescendance ! Pierre prend la parole pour rabrouer Jésus. Il s’agit bien d’un affrontement entre deux hommes, Pierre le bouillant, l’impétueux toujours prêt à prendre la parole et Jésus le Serviteur. Finalement, Pierre lâchera prise et il s’en remettra entre les mains de son Seigneur. La conclusion de l’évangéliste est claire : « c’est un exemple que je vous ai donné, pour que vous fassiez, vous aussi, comme moi j’ai fait pour vous ». Autrement dit, ne faites pas autre chose que servir !
Jésus n’a rien à voir avec les puissants de ce monde. Le récit des tentations au début de sa vie publique est sans ambiguïté. Jésus se range résolument du côté des petits, des faibles, des pauvres, des sans-grades. Et toute sa vie il n’aura de cesse de faire entrer ses disciples dans cette perspective de l’humble service quotidien de l’homme et de l’humanité.
Pierre Cardon