Feu Nouveau : la revue de référence pour préparer la messe du dimanche!

La célébration en l’absence de prêtre

  • Propositions de déroulements
  • Textes et prières
  • Questions pour un partage autour de la Parole
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La formation

  • Articles de formation biblique et liturgique
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Les lectures

  • Commentaires approfondis
  • Homélie
  • Méditation
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L'attention aux enfants

  • Suggestions pour accueillir les enfants
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La célébration

  • Monitions et prières
  • Chants adaptés
  • Mélodies pour les nouvelles antiennes du lectionnaire
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La méthode historico-critique est-elle dépassée ?

Extrait de Feu Nouveau 56/1

Monsieur Jourdain, le Bourgeois gentilhomme de Molière, apprit un jour qu’il disait de la prose depuis bien longtemps sans le savoir. Lorsque je prépare une homélie, je mets en œuvre de nombreux éléments et, comme monsieur Jourdain, je fais de l’herméneutique sans le savoir. Interpréter la Bible est une opération complexe. La Bible est un livre ancien, écrit il y a plus de vingt siècles, avec des références qui nous demeurent étrangères et des passages qui nous échappent. En outre, il s’agit d’un texte religieux, dont on proclame le caractère sacré tout en affirmant qu’il est œuvre humaine. Un certain nombre de disciplines et de méthodes scientifiques ont été mises au point pour l’étude des textes anciens. Sont-elles appropriées pour la lecture de la Parole de Dieu ? D’autres approches ne sont-elles pas meilleures du point de vue de la foi ?

Il y a 20 ans…

Un document romain, publié sous la responsabilité de la Commission biblique pontificale, reprenait ces questions il y a vingt ans. Ce document, L’interprétation de la Bible dans l’Église (1993), commémorait le centième anniversaire de la lettre encyclique de Léon XIII, Providentissimus Deus (1893), première encyclique explicitement consacrée à l’étude de l’Écriture sainte. En prenant ce document comme fil conducteur, nous allons présenter dans une série de six articles les grandes orientations de l’herméneutique biblique.

En premier lieu, le document romain s’attache à la méthode « historico-critique ». Cette méthode englobe des éléments qui étaient pratiqués depuis longtemps, mais c’est à partir de la Renaissance que le travail de « lecture scientifique » de la Bible (avec l’étude de la grammaire et de la philologie, le retour aux textes originaux, etc.) a commencé à prendre forme. Ce travail critique englobe la critique textuelle, la critique historique, et la critique littéraire.

Des textes parfois divergents

Comme pour les autres textes de l’antiquité, nous ne possédons aucun document original du texte biblique. Toujours nous nous trouvons en présence de copies de copies. Ces manuscrits sont de dates diverses et de qualité variable. Aujourd’hui, on cherche moins à retrouver le texte d’origine – quête d’ailleurs impossible – qu’à noter un certain pluralisme textuel et à établir le meilleur texte. Par exemple, on constate que certains manuscrits de Lc (les grands onciaux et le papyrus P75) ont omis les versets 43-44 du chap. 22 sur « la sueur de sang ». Probablement ne voulait-on pas donner de Jésus une image trop humaine. De même quelques témoins anciens (Codex de Bèze, Vet. lat.) omettent la mention de l’Ascension en Lc 24,51, sans doute pour éviter une contradiction avec Ac 1,3 qui place l’événement quarante jours plus tard. La critique textuelle invite à maintenir ces versets. Il s’agit là d’un domaine hautement spécialisé. Heureusement, nous pouvons faire confiance à ceux qui ont préparé le texte standard, utilisé pour les éditions critiques modernes.

Plus qu’un compte rendu de ce qui se serait passé !

Pendant des siècles, les récits bibliques ont été lus comme le compte rendu de ce qui s’était passé autrefois. C’était encore le cas avec Luther. Quand on lui demanda, au cours d’un entretien à table, ce qu’il fallait penser du séjour de Jonas dans les entrailles du poisson, il répondit qu’il tiendrait cette histoire pour fausse si elle ne se trouvait pas dans les Saintes Écritures. Il n’en alla plus ainsi au siècle suivant. Dans la foulée du nouvel esprit scientifique dont témoigne Descartes, on commence à faire une distinction entre les histoires (comprenons, des histoires fictives) et l’histoire (c’est-à-dire ce qui s’est passé). Ce n’est plus seulement l’histoire merveilleuse de Jonas qui est soumise à la critique. C’est l’ensemble des récits bibliques qui est abordé avec un autre regard.

On avait toujours pensé que les récits bibliques devaient être considérés comme historiques, que ce soit les récits patriarcaux, l’histoire de l’exode, ou les chroniques royales. Il en allait de même pour les récits évangéliques. Mais les recherches historiques et archéologiques remettent en question ce postulat. Et que penser des récits de miracles ? Faut-il prendre à la lettre le récit de la résurrection d’un jeune homme à Naïn (Lc 7,11-17) ? Comment comprendre le récit de la multiplication des pains (Lc 9,12-17) ? Un nouveau contexte culturel impose une nouvelle lecture de la Bible. On comprend mieux maintenant que la Bible comporte des textes bien différents les uns les autres et qu’il n’est pas question de tout mettre sur le même pied. En 1943, Pie XII invitera explicitement les exégètes à discerner et reconnaître « quels genres littéraires les auteurs de cet âge antique ont voulu employer et ont réellement employés » (Divino afflante Spiritu, § 35). Il est indispensable de situer les différents genres littéraires (récits légendaires, oracles prophétiques, textes apocalyptiques, psaumes, etc.) et le milieu de vie qui les portait. Qui a mis par écrit ces récits ? Dans quel contexte ont-ils vu le jour ?

Un ou plusieurs auteurs ?

Dans la tradition juive autant que chrétienne, le Pentateuque – ou la Torah – était regardé comme l’œuvre de Moïse, les Psaumes étaient écrits par David, les livres sapientiaux venaient de Salomon, etc. Un certain nombre d’observations littéraires dans le Pentateuque – doublets ou répétitions des mêmes histoires, divergences dans le contenu, différences de style, etc. – amèneront bientôt à remettre en question la conception traditionnelle. Il devient difficile de croire que Moïse soit l’auteur du Pentateuque. Il en va de même pour les autres textes, y compris du Nouveau Testament. Pour la tradition, les évangiles ont été directement écrits par les apôtres. Il apparaît aujourd’hui qu’il y a une réelle distance entre l’époque des faits et leur mise par écrit. Pour de nombreux textes, nous admettons que le procédé de la pseudépigraphie – c’est-à-dire d’attribution d’un livre à un personnage illustre – était à l’œuvre.

Les sources des évangiles

En comparant les trois premiers évangiles (Mt, Mc, Lc), on note qu’ils sont très proches l’un de l’autre. On peut même les mettre en colonnes parallèles et les envisager d’un seul regard (on parle dès lors d’évangiles « synoptiques »). Certaines paroles de Jésus sont reprises presque littéralement en Mt et Lc : par exemple, l’invitation à ne pas se laisser troubler par les soucis temporels (Mt 6,25-34/Lc 12,22-31) ou à ne pas juger autrui (Mt 7,1-5/6,37-42). On constate aussi que cette parenté globale s’estompe quand on examine d’autres passages. Le Pater, la prière de Jésus, comporte sept demandes chez Mt et cinq chez Lc, alors qu’on n’en trouve le texte ni chez Mc, ni chez Jn. Les béatitudes sont présentes en deux versions différentes chez Mt et Lc (Mt 5 ; Lc 6), mais elles sont absentes chez Mc et Jn. Si on nie toute dépendance littéraire, comment justifier les ressemblances ? Si on affirme une dépendance mutuelle, comment expliquer les omissions et les additions ? C’est aujourd’hui l’hypothèse des deux sources qui recueille la majorité des suffrages. Selon cette hypothèse, les évangiles de Mt et Lc auraient été rédigés sur la base de deux sources principales, l’évangile de Marc et un recueil de paroles de Jésus (nommé Q, de l’allemand Quelle, « source »), avec en outre des traditions propres chez Mt et Lc.

Des paroles enracinées dans la vie d’une communauté

Outre ces études littéraires, on essaie de reconstituer le milieu de vie dans lequel les évangiles ont pris forme. Le milieu de vie – un environnement communautaire – ne crée pas la tradition, mais celle-ci prend une forme particulière dans un contexte donné. En termes techniques, on parle de l’« histoire des formes » (all. Formgeschichte), désignant par là l’ensemble des travaux sur la tradition orale antérieurement à la mise par écrit des textes. L’annonce de la Bonne Nouvelle fut une activité essentielle des premiers disciples, mais très vite, on se tourna vers l’intérieur : il y eut l’Évangile proclamé aux Juifs et aux Gentils ; il y eut aussi l’Évangile vécu en Église. On peut ainsi relever l’influence de la liturgie sur le récit de la multiplication des pains (« Prenant alors les cinq pains, il leva les yeux au ciel, il dit la bénédiction, les bénit et les donna aux disciples », Lc 9,16). Cette perspective n’est pas la seule : il y a aussi l’aspect institutionnel de la vie communautaire (« Donnez vous-mêmes à manger », Lc 9,13), la présence du Christ au milieu des païens (« au milieu du territoire de la Décapole », Mc 7,31), l’interprétation des Écritures (avec les allusions à « la manne dans le désert », Jn 6,31). On peut esquisser une histoire de la tradition, c’est-à-dire une manière dont les éléments de la tradition ont été transmis oralement.

Tout cela a été repris par un auteur, un « évangéliste », qui n’est pas simplement un compilateur. L’histoire de la rédaction va s’attacher à la manière dont chaque évangéliste apporte sa contribution personnelle, en fonction de ses choix et orientations théologiques, en tenant compte de la communauté à laquelle il s’adresse. Chaque évangéliste possède sa manière de présenter l’unique Évangile, la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ. Luc souligne volontiers la joie du pardon, Matthieu est préoccupé des responsabilités au sein de la communauté. On ne sera pas surpris que la même parabole de la brebis perdue soit insérée dans deux contextes différents : démonstration de la miséricorde divine (Lc 15) et enseignement sur les relations fraternelles (Mt 18).

Une approche salutaire

En un peu plus de deux siècles, s’est déployé un formidable chantier de recherches historiques, archéologiques, linguistiques, littéraires, etc., dont on ne peut nier la valeur, ni la fécondité. Sans toujours nous en rendre compte, nous profitons aujourd’hui de ce travail. L’exégèse historico-critique a pu succomber à la tentation impérialiste, excluant d’autres approches et oubliant ses propres limites. Serait-elle pour autant invalidée ? Pas vraiment. L’interprétation ancienne de la Bible, note le document romain, « n’avait pas une conscience claire des conditions historiques concrètes et diverses dans lesquelles la Parole de Dieu s’est enracinée. Elle en avait une connaissance globale et lointaine. La confrontation de l’exégèse traditionnelle avec une approche scientifique qui, dans ses débuts, faisait consciemment abstraction de la foi et parfois même s’y opposait, fut assurément douloureuse ; elle se révéla cependant, par la suite, salutaire : une fois que la méthode eut été libérée des préjugés extrinsèques, elle conduisit à une compréhension plus exacte de la vérité de l’Écriture Sainte ».

Guy Vanhoomissen
N.B. : Les sous-titres sont de la rédaction



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