Feu Nouveau : la revue de référence pour préparer la messe du dimanche!

La célébration en l’absence de prêtre

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  • Questions pour un partage autour de la Parole
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La formation

  • Articles de formation biblique et liturgique
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Les lectures

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L'attention aux enfants

  • Suggestions pour accueillir les enfants
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La célébration

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  • Mélodies pour les nouvelles antiennes du lectionnaire
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59/2 Saint Luc et l’Année de la Miséricorde

St Luc et l’Année de la Miséricorde (2016)

Le Pape François a clairement voulu un jubilé extraordinaire, marqué par une année de la miséricorde partout et pour tous : de l’avent 2015 jusqu’à la fête du Christ Roi de l’univers (novembre 2016). L’annonce en a été faite dans un texte bref, qui se montre de lecture agréable : Misericordiae Vultus, le Visage de la Miséricorde . Jésus-Christ est en effet « le visage de la miséricorde du Père » (1), ainsi que l’écrit d’emblée cette lettre adressée par le Pape « à ceux qui la liront », tout en leur souhaitant « grâce, miséricorde et paix ».
Par ailleurs, l’année liturgique de l’avent 2015 à l’avent 2016 est l’année C, avec l’Évangile de Luc, couramment appelé l’évangéliste de la miséricorde. Ce terme est à comprendre comme un synonyme de clémence, attitude qui pousse à pardonner à un coupable ou à faire grâce à un condamné : se montrer miséricordieux, c’est être enclin au pardon. N’est-il pas intéressant d’aller regarder de près ce que nous pouvons attendre d’un tel rapprochement, nullement fortuit, entre ce jubilé de la miséricorde en 2016 et cette année où nous allons relire l’Évangile selon Luc, de dimanche en dimanche ?
Deux approches nous sont ouvertes dans une telle perspective ; nous allons les prendre l’une après l’autre. D’une part, il s’agit de relever les références à saint Luc que le Pape lui-même nous donne ; d’autre part, il convient de mettre en valeur ce que Luc dit sans cesse de la miséricorde, en nous fournissant un fil conducteur pour ce jubilé thématique. Prenons donc l’une et l’autre approche, avec l’espoir d’en obtenir quelques lumières : une revue liturgique comme Feu Nouveau peut apporter sa pierre à cette année de la miséricorde, voulue par le Pape François, qui rappelle le 50e anniversaire de la fin de Vatican II (décembre 1965). C’est que « l’Église ressent le besoin de garder vivant cet événement » (n°4).

1/ Les références à saint Luc dans la lettre d’annonce du Pape
Commençons cette démarche attentive en relevant les passages de l’évangile de Luc auxquels le Pape renvoie dans son texte pour cette année jubilaire. Pour que les liens apparaissent mieux, suivons l’ordre des chapitres de Luc, en indiquant les passages de la lettre (n°…). Bien entendu, les autres évangiles sont également cités, de même que l’AT (une série de psaumes en particulier) et le NT. Mais nous nous en tenons au seul Luc, avec une dizaine de références – ce qui est déjà significatif.

** Luc 1,50 : Marie, la mère de la miséricorde, l’Arche de l’Alliance, avec son chant consacré à « la miséricorde qui s’étend d’âge en âge » (n°24).
** Luc 4,19 : Jésus, revenu à Nazareth, trouve le passage d’Isaïe 61 à la synagogue : « Annoncer une année favorable (une année de bienfaits), accordée par le Seigneur » (n°16).
** Luc 5,27 : Appel de Lévi-Matthieu, assis au bureau des impôts – avec le commentaire de Bède le Vénérable et le rappel de la devise du Pape lui-même (2) (n°8).
** Luc 6,36 : « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux » : un tel programme de vie est adressé à ceux et celles qui écoutent la Parole de Jésus (n°13).
** Luc 6,37-38 : « Ne jugez pas… Ne condamnez pas… Pardonnez et vous serez pardonnés… » Personne ne doit devenir juge de son frère ! (n°14).
** Luc 7,13 : La rencontre avec la veuve de Naïm, qui emmenait son fils unique au tombeau : Jésus éprouva une profonde compassion pour la douleur immense de cette mère (n°8).
** Luc 10,33 : La vieille histoire du bon Samaritain, qui a été le modèle et la règle de la spiritualité du Concile, avec une citation du Pape Paul VI (n°4).
** Luc 15,1-32 : Dans les paraboles de la miséricorde, Jésus révèle la nature de Dieu comme celle d’un Père qui ne s’avoue jamais vaincu ; or ces trois paraboles sont bien connues (n°9).
** Luc 15,20 : Appel clair aux confesseurs : nul n’est maître du sacrement, mais serviteur fidèle du pardon de Dieu. Il s’agit d’accueillir les fidèles comme le Père miséricordieux de cette parabole (n°17).
** Luc 22,15 : La (nouvelle) Pâque du Christ, lorsque Jésus instituait l’Eucharistie, mémorial pour toujours de sa Pâque, dans la lumière de la miséricorde… (n°7).

Ce parcours précis montre donc une attention particulière à l’Évangile de Luc, avec plusieurs accents insistants. Oui, « l’Église a pour mission d’annoncer la miséricorde de Dieu, cœur battant de l’Évangile ; elle doit la faire parvenir au cœur et à l’esprit de tous » (n°12). « Nous voulons vivre cette année jubilaire à la lumière de la Parole du Seigneur : ‘Miséricordieux comme le Père’… Il s’agit vraiment de nous (re)mettre à l’écoute de la Parole de Dieu » (n°13 – Luc 6,36 avec le logo, signé Rubik, pour ce jubilé).

2/ L’accent sur la miséricorde dans l’Évangile de Luc
Dans un second moment, nous prenons la même question à partir de l’évangile de Luc, car il n’y a pas moins de 44 passages qui en seront relus, cette année C (2016) (3) . Ils nous offrent de constantes occasions de mettre en lumière ce jubilé thématique de la miséricorde. La porte sainte que tous sont invités à franchir au cours de cette année n’est pas seulement ouverte à Rome, mais il y en aura au moins une dans chaque diocèse. Cette heureuse décentralisation appelle de multiples initiatives, adaptées aux circonstances locales. Nous résumons une présentation possible de cet évangile par ces cinq traits de synthèse.

** Un premier accent est celui du cœur, ce mot-source (Karl Rahner), si difficile à définir et si fréquent dans toute la Bible (plus de mille mentions). Or plus que les autres évangélistes, Luc a été frappé par ce mot en son sens biblique : il revient 22x dans son Évangile et 23x dans les Actes, second tome de son œuvre ! Et nous avons compté une vingtaine de mentions du cœur dans cette brève lettre du Pape François. Nous tenons là une clef : le cœur est le siège de la vie intime de l’être humain, le centre même de la personne avec sa conscience… Nous voici au lieu de la confiance / foi, comme aussi au lieu de la méfiance et du cœur dur.

** De façon insistante, Luc parle de la bonté / miséricorde (grec eleos/eleeô 10x) et des entrailles de miséricorde (grec splagchna 4x) ; il a un adjectif qui lui est propre et que le Pape ne manque pas de citer : ‘compatissant / tendre’ (grec oiktirmôn 6,36 : n°13), là où Matthieu parle de ‘parfait’ (Mt 5,48 : voir n°22). Et plusieurs biblistes estiment que le terme de Luc pourrait être celui de Jésus, dans la ligne de l’AT. L’attitude qui nous convient est d’être « miséricordieux comme le Père » : c’est le logo même de ce jubilé extraordinaire.

** Luc, on le sait, a le plus grand nombre de paraboles (une trentaine) parmi les évangiles ; plusieurs de celles-ci sont bien des paraboles de la miséricorde. Et le Pape ne manque pas de rappeler le bon samaritain (15e dim. C), la brebis perdue et la pièce d’argent perdue (24e dim. C), le fils prodigue perdu et retrouvé (4e dim. Carême C)… Car le Seigneur est « Dieu riche en miséricorde » (rappel de la 2e encyclique de Jean-Paul II, en 1980 ; voir Eph 2,4).

** La présence de femmes et de veuves est particulièrement mise en évidence par Luc, qui en donne une dizaine de noms ; dans les Actes, Luc parle même d’une femme-disciple, terme unique dans le NT (grec mathêtria Act 9,36). De telles présences féminines ne sont pas sans conséquence sur le côté concret de la miséricorde et des entrailles maternelles. De façon spontanée, le Pape François parle de la veuve de Naïm et de l’attitude de Jésus qui la rencontre et réagit sans tarder, en étant saisi de compassion pour elle (10e dim. C : n°8).

** Enfin, le récit de la Passion selon Luc (dim. Rameaux C) montre Jésus marchant avec maîtrise vers la mort, au terme de sa longue montée à Jérusalem, scandée par plusieurs jalons (Luc 9,51 ; 13,22 ; 17,11 ; 19,28). Dans cette Passion, Luc nous trace le beau portrait du prophète-martyr, qui va jusqu’au bout de son témoignage. Jésus se soucie toujours des autres et de ceux/celles qu’il rencontre, bien plus que de lui-même : à la dernière Cène, à l’agonie au Mont des Oliviers, au chemin de croix avec les filles de Jérusalem (23,28)… Et Jésus achève sa vie en pardonnant même à ses bourreaux (23,34), comme à celui que la tradition nomme le bon larron (23,43). Les femmes-disciples de Galilée sont bien présentes et fidèles (23,49.55), faisant la transition avec « le Vivant » de l’aube de Pâques (24, 1-10.22.24) : elles deviennent ainsi les premières messagères de la Bonne Nouvelle du Vivant !

Ces insistances typiques de Luc nous amènent à une conclusion qui peut s’énoncer simplement, en mettant l’accent sur la miséricorde et la tendresse. En cette année jubilaire sur ce grand thème, nous pouvons reconnaître et même admirer :
• la tendresse de l’évangéliste Luc : avec sa sensibilité délicate et son art littéraire remarquable, nous lisons dans cet évangile l’œuvre d’un homme tendre et d’un écrivain sensible. Il est heureux de le prendre comme guide (année C), car il a l’art de raconter Jésus-Christ !
• la tendresse de Jésus en personne, appelé Maître et Prophète, Fils de David et Fils de l’homme, Christ et Seigneur, le Fils (Luc 10,22) : au début du XIVe siècle, Dante a joliment parlé de Luc comme l’écrivain de la tendresse du Christ (4) ; il fallait bien un homme tendre pour mettre en constante évidence cette tendresse de Jésus-Christ !
• en rejoignant une fois encore la lettre du Pape François et son titre, Jésus est en vérité « le visage de la miséricorde », de la tendresse, du Dieu Père ; or Luc met 12x ce nom de « Père » dans la bouche de Jésus. C’est là un visage nouveau pour Luc, d’origine grecque, que ce visage de Dieu si éloigné des dieux païens ! Telle est la Bonne Nouvelle à annoncer partout : Luc a été évangélisé et entend évangéliser à son tour. Pour notre part, en ce temps qui est le nôtre, il nous revient de poursuivre la même tâche ; et Luc se présente à nous comme un bon guide, pour relever un tel défi !

Le Dieu de la Nouvelle Alliance (Luc 22,20) a des entrailles paternelles (1,78 ; 15,20) et Luc est le seul à nous parler de la visite de Dieu (1,68.78 ; 7,16 ; 19,44), à son peuple Israël comme à notre humanité. Qui voudrait manquer, en 2016, un tel « aujourd’hui » de miséricorde, grâce à ce jubilé extraordinaire ?

Pierre Mourlon Beernaert

(1) Texte signé le 11 avril 2015 – www.iubilaeummisericordiae.va/content/gdm/fr/bolla.html. En langage ecclésiastique, il est question de la « bulle d’indiction » (environ 12 pages, en 25 numéros). André Haquin a rédigé une présentation de ce document dans le Feu Nouveau 59/1.
(2) La devise épiscopale du Pape François : « Miserando atque eligendo » (commentaire de Bède sur l’appel du publicain : « Rempli d’amour, il le choisit… »).
(3) Outre le temps d’avent et de Noël, avec les lectures du carême et leurs appels à la conversion (avec le passage de la femme adultère : Jn 8 de style lucanien), 25 passages de cet Évangile sont repris du 10e au 34e dimanche.
(4) Dante Alighieri (1265-1321), De Monarchia I,16 : en latin, « Scriba mansuetudinis Christi » ; la mansuétude est un mot de cette époque, que la tendresse exprime assez fidèlement.



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